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Liv. XIII. Chap. XV.

on s’est adressé à la servitude qui refuse tout.

La liberté a produit l’excès des tributs : mais l’effet de ces tributs excessifs est de produire à leur tour la servitude ; & l’effet de la servitude, de produire la diminution des tributs.

Les monarques de l’Asie ne font guere d’édits que pour exempter chaque année de tributs quelque province de leur empire[1] : les manifestations de leur volonté sont des bienfaits. Mais en Europe, les édits des princes affligent même avant qu’on les ait vus, parce qu’ils y parlent toujours de leurs besoins, & jamais des nôtres.

D’une impardonnable nonchalance, que les ministres de ces pays-là tiennent du gouvernement & souvent du climat, les peuples tirent cet avantage, qu’ils ne sont point sans cesse accablés par de nouvelles demandes. Les dépenses n’y augmentent point, parce qu’on n’y fait point de projets nouveaux : & si par hasard on y en fait, ce sont des projets dont on voit la fin, & non des projets commencés. Ceux qui gouvernent l’état ne le tourmentent pas, parce qu’ils

  1. C’est l’usage des empereurs de la Chine.