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Liv. XIV. Chap. III.

celui de leur climat. Mais comment accorder cela avec leurs actions atroces, leurs coutumes, leurs pénitences barbares ? Les hommes s’y soumettent à des maux incroyables ; les femmes s’y brûlent elles-mêmes : voilà bien de la force pour tant de foiblesse.

La nature, qui a donné à ces peuples une foiblesse qui les rend timides, leur a donné aussi une imagination si vive, que tout les frappe à l’excès. Cette même délicatesse d’organes qui leur fait craindre la mort, sert aussi à leur faire redouter mille choses plus que la mort. C’est la même sensibilité qui leur fait fuir tous les périls, & les leur fait tous braver.

Comme une bonne éducation est plus nécessaire aux enfans qu’à ceux dont l’esprit est dans sa maturité ; de même les peuples de ces climats ont plus besoin d’un législateur sage, que les peuples du nôtre. Plus on est aisément & fortement frappé, plus il importe de l’être d’une maniere convenable, de ne recevoir pas des préjugés, & d’être conduit par la raison.