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Liv. XXVI. Chap. III.

traire à la défense naturelle : en effet, pour qu’on puisse condamner, il faut bien que les témoins sachent que l’homme contre qui ils déposent, est celui que l’on accuse, & que celui-ci puisse dire, ce n’est pas moi dont vous parlez.

La loi passée sous le même regne, qui condamnoit toute fille qui, ayant eu un mauvais commerce avec quelqu’un, ne le déclareroit point au roi, avant de l’épouser, violoit la défense de la pudeur naturelle : il est aussi déraisonnable d’exiger d’une fille qu’elle fasse cette déclaration, que de demander d’un homme qu’il ne cherche pas à défendre sa vie.

La loi de Henri II, qui condamne à mort une fille dont l’enfant a péri, en cas qu’elle n’ait point déclaré au magistrat sa grossesse, n’est pas moins contraire à la défense naturelle. Il suffisoit de l’obliger d’en instruire une de ses plus proches parentes, qui veillât à la conservation de l’enfant.

Quel autre aveu pourroit-elle faire, dans ce supplice de la pudeur naturelle ? L’éducation a augmenté en elle l’idée de la conservation de cette pudeur ; & à peine dans ces momens est-il resté en elle une idée de la perte de la vie.