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De l’esprit des Lois,


Ces premieres lois leur acquierent la liberté ; les secondes, la propriété. Il ne faut pas décider par les lois de la liberté, qui, comme nous avons dit, n’est que l’empire de la cité, ce qui ne doit être décidé que par les lois qui concernent la propriété. C’est un paralogisme de dire que le bien particulier doit céder au bien public : cela n’a lieu que dans les cas où il s’agit de l’empire de la cité, c’est-à-dire, de la liberté du citoyen : cela n’a pas lieu dans ceux où il est question de la propriété des biens, parce que le bien public est toujours que chacun conserve invariablement la propriété que lui donnent les lois civiles.

Cicéron soutenoit que les lois agraires étoient funestes, parce que la cité n’étoit établie que pour que chacun conservât ses biens.

Posons donc pour maxime, que lorsqu’il s’agit du bien public, le bien public n’est jamais que l’on prive un particulier de son bien, ou même qu’on lui en retranche la moindre partie par une loi ou un règlement politique. Dans ce cas, il faut suivre à la rigueur la loi civile, qui est le palladium de la propriété.