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Liv. XXVI. Chap. XV.


Ainsi lorsque le public a besoin du fonds d’un particulier, il ne faut jamais agir par la rigueur de la loi politique : mais c’est là que doit triompher la loi civile, qui, avec des yeux de mere, regarde chaque particulier comme toute la cité même.

Si le magistrat politique veut faire quelque édifice public, quelque nouveau chemin, il faut qu’il indemnise ; le public est à cet égard, comme un particulier qui traite avec un particulier. C’est bien assez qu’il puisse contraindre un citoyen de lui vendre son héritage, & qu’il lui ôte ce grand privilege qu’il tient de la loi civile, de ne pouvoir être forcé d’aliéner son bien.

Après que les peuples qui détruisirent les Romains eurent abusé de leurs conquêtes même, l’esprit de liberté les rappella à celui d’équité ; les droits les plus barbares, ils les exercerent avec modération : & si l’on en doutoit, il n’y auroit qu’à lire l’admirable ouvrage de Beaumanoir, qui écrivoit sur la jurisprudence dans le douzieme siecle.

On raccommodoit de son temps les grands chemins, comme l’on fait aujourd’hui. Il dit que, quand un grand