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De l’esprit des Lois,

renonçoit à l’hommage, s’il appelloit son homme devant le comte.

Appeller son seigneur de faux jugement, c’étoit dire que son jugement avoit été faussement & méchamment rendu : or, avancer de telles paroles contre son seigneur, c’étoit commettre une espece de crime de félonie.

Ainsi, au lieu d’appeller pour faux jugement le seigneur qui établissoit & régloit le tribunal, on appelloit les pairs qui formoient le tribunal même : on évitoit par-là le crime de félonie ; on n’insultoit que ses pairs, à qui on pouvoit toujours faire raison de l’insulte.

On s’exposoit beaucoup[1], en faussant le jugement des pairs. Si l’on attendoit que le jugement fût fait & prononcé, on étoit obligé de les combattre tous[2], lorsqu’ils offroient de faire le jugement bon. Si l’on appelloit avant que tous les juges eussent donné leur avis, il falloit combattre tous ceux qui étoient convenus du même avis[3]. Pour éviter ce danger, on supplioit le seigneur[4] d’ordonner que chaque

  1. Beaumanoir, ch. lxi, page 313.
  2. Ibid, page 314.
  3. Qui s’étoient accordés au jugement.
  4. Beaum. ch. lxi, page 314.