Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 4.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
114
De l’esprit des Lois,

Brunehault en fit craindre davantage. Dans cette crise, la nation ne se contenta pas de mettre ordre au gouvernement féodal, elle voulut aussi assurer son gouvernement civil : car celui-ci étoit encore plus corrompu que l’autre ; & cette corruption étoit d’autant plus dangereuse, qu’elle étoit plus ancienne, & tenoit plus en quelque sorte à l’abus des mœurs qu’à l’abus des lois.

L’histoire de Grégoire de Tours, & les autres monumens nous font voir, d’un côté, une nation féroce & barbare ; & de l’autre, des rois qui ne l’étoient pas moins. Ces princes étoient meurtriers, injustes & cruels, parce que toute la nation l’étoit. Si le christianisme parut quelquefois les adoucir, ce ne fut que par les terreurs que le christianisme donne aux coupables : les églises se défendirent contr’eux par les miracles & les prodiges de leurs saints. Les rois n’étoient point sacrileges, parce qu’ils redoutoient les peines des sacrileges : mais d’ailleurs ils commirent, ou par colere, ou de sang froid, toutes sortes de crimes & d’injustices, parce que ces crimes & ces injustices ne leur montroient pas la main de la divinité si pré-