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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 4.djvu/155

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Liv. XXXI. Chap. VIII.

avoir des fiefs, ils traitoient ce genre de biens comme on administre aujourd’hui les usufruits. C’est ce qui fit faire à Charlemagne, prince le plus vigilant & le plus attentif que nous ayons eu, bien des réglemens[1], pour empêcher qu’on ne dégradât les fiefs en faveurs de ses propriétés. Cela prouve seulement que de son temps, la plupart des bénéfices étoient encore à vie ; & que, par conséquent, on prenoit plus de soin des alleus que des bénéfices : mais cela n’empêche pas que l’on n’aimât encore mieux être vassal du roi qu’homme libre. On pouvoit avoir des raisons pour disposer d’une certaine portion particuliere d’un fief ; mais on ne vouloit pas perdre sa dignité même.

Je sais bien encore que Charlemagne se plaint, dans un capitulaire[2], que, dans quelques lieux, il y avoit des gens qui donnoient leurs fiefs en propriété, & les rachetoient ensuite en propriété. Mais je ne dis point qu’on n’aimât mieux une propriété qu’un usufruit : Je dis seulement que, lorsqu’on pouvoit

  1. Capitulaire II, de l’an 802, art. 10 ; & le capitul. vii de l’an 803, art. 3 ; & le capitulaire I, incerti anni, art. 49 ; & le capitul. de l’an 806, art. 7.
  2. Le cinquieme de l’an 806, art. 8.