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Liv. XXXI. Chap. XX.

qui ne connut jamais sa force ni sa foiblesse ; qui ne sut se concilier ni la crainte ni l’amour ; qui, avec peu de vices dans le cœur, avoit toutes sortes de défauts dans l’esprit, prit en main les rênes de l’empire que Charlemagne avoit tenues.

Dans le temps que l’univers est en larmes pour la mort de son pere ; dans cet instant d’étonnement, où tout le monde demande Charles, & ne le trouve plus ; dans le temps qu’il hâte ses pas pour aller remplir sa place, il envoie devant lui des gens affidés pour arrêter ceux qui avoient contribué au désordre de la conduite de ses sœurs. Cela causa de sanglantes tragédies[1]. C’étoient des imprudences bien précipitées. Il commença à venger les crimes domestiques, avant d’être arrivé au palais ; & à révolter les esprits avant d’être le maître.

Il fit crever les yeux à Bernard, roi d’Italie, son neveu, qui étoit venu implorer sa clémence, & qui mourut quelques jours après ; cela multiplia ses enne-

  1. L’auteur incertain de la vie de Louis le débonnaire, dans le recueil de Duchesne, tome II, page 295.