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De l’esprit des Lois


Les étranges ravages des Normands, comme j’ai dit, contribuerent beaucoup à mettre fin à ces querelles.

Les rois tous les jours moins accrédités, & par les causes que j’ai dites & par celles que je dirai, crurent n’avoir d’autre parti à prendre que de se mettre entre les mains des ecclésiastiques. Mais le clergé avoit affoibli les rois, & les rois avoient affoibli le clergé.

En vain Charles le chauve & des successeurs appellerent-ils le clergé[1] pour soutenir l’état, & en empêcher la chute ; en vain se servirent-ils[2] du respect que les peuples avoient pour ce corps,

  1. Voyez dans Nitard, liv. IV, comment, après la fuite de Lothaire, les rois Louis & Charles consulterent les évêques, pour savoir s’ils pourroient prendre & partager le royaume qu’il avoit abandonné. En effet, comme les évêques formoient entr’eux un corps plus uni que les leudes, il convenoit à ces princes d’assurer leurs droits par une résolution des évêques, qui pourroient engager tous les autres seigneurs à les suivre.
  2. Voyez le capitulaire de Charles le chauve, apud Saponarias, de l’an 859, art. 3. « Venilon, que j’avois fait archevêque de Sens, m’a sacré ; & je ne devois être chassé du royaume par personne, saltem sine audientiâ & judicio episcoporum, quorum ministerio in regem sum consecratus, & qui throni Dâ sunt dicti, in quibus Deus sedet, & per quos sua decernit judicia ; quorum paternis correctionibus & castigatoriis judiciis me subdere fui paratus, & in præsenti sum subditus. »