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Défense

de confiance dans les contrats. Le peuple, comme un débiteur décrédité, ne tentoit à lui prêter que par de gros profits ; d’autant plus que, si les lois ne venoient que de temps en temps, les plaintes du peuple étoient continuelles, & intimidoient toujours les créanciers. Cela fit que tous les moyens honnêtes de prêter & d’emprunter furent abolis à Rome ; & qu’une usure affreuse, toujours foudroyée & toujours renaissante, s’y établit.

Cicéron nous dit que, de son temps, on prêtoit à Rome à trente-quatre pour cent, & à quarante-huit pour cent dans les provinces. Ce mal venoit, encore un coup, de ce que les lois n’avoient pas été ménagées. Les lois extrêmes dans le bien font naître le mal extrême : il fallut payer pour le prêt de l’argent, & pour le danger des peines de la loi. L’auteur n’a donc parlé du prêt à intérêt que dans son rapport avec le commerce des divers peuples, ou avec les lois civiles des Romains ; & cela est si vrai, qu’il a distingué, au second article du chapitre XIX, les établissemens des législateurs de la religion, d’avec ceux des législateurs politiques. S’il avoit parlé là nommément de la religion chré-