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De l’esprit des Lois,

de ses progrès, la plupart des choses changerent de nature ; il fallut, pour les exprimer, se servir des anciens mots latins qui avoient le plus de rapport aux nouveaux usages. Ainsi, ce qui pouvoit réveiller l’idée de l’ancien cens[1] des Romains, on le nomma census, tributum ; & quand les choses n’y eurent aucun rapport quelconque, on exprima comme on put les mots Germains avec des lettres Romaines : ainsi on forma le mot fredum, dont je parlerai beaucoup dans les chapitres suivants.

Les mots census & tributum ayant été ainsi employés d’une maniere arbitraire, cela a jeté quelqu’obscurité dans la signification qu’avoient ces mots dans la premiere & dans la seconde race : & des auteurs modernes[2] qui avoient des systêmes particuliers, ayant trouvé ce mot dans les écrits de ces temps-là, ils ont jugé que ce qu’on appelloit census

  1. Le census étoit un mot si générique, qu’on s’en servit pour exprimer les péages des rivieres, lorsqu’il y avoit un pont ou un bas à passer. Voyez le capitul. III de l’an 803, édition de Baluze, page 395, cat. I, & le V de l’an 819, p. 616. On appella encore de ce nom les voitures fournies par les hommes libres au roi ou à ses envoyés, comme il paroît par le capitulaire de Charles le chauve, de l’an 865, art. 8.
  2. M. l’abbé Dubos, & ceux qui l’ont suivi.