Page:Montfort - Un cœur vierge.djvu/61

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J’avance dans la terre mouillée. Le ciel est bas, le vent souffle, il m’exalte, le paysage devient tragique. Mais le chemin dont parlait Roudil, à peine si c’est une piste. J’ai dépassé maintenant la croix. Je suis en pleine lande… Des touffes d’ajoncs, une herbe maigre, un sol sablonneux d’où, de loin en loin, émerge la roche. Trois petites filles me croisent, dont les jupes longues et les mouchoirs de tête volent à la bise. Elles se retournent sans s’arrêter et me regardent, étonnées. Je poursuis ma route. Cette île prend étrangement mon cœur et le vent me fait frémir. La mer semble aujourd’hui traîtresse et dangereuse. Je vois là-bas l’écume blanche sauter sur les récifs. Je songe aux pauvres corps gonflés et livides qu’elle roule dans ses fonds, qu’elle écorche aux pierres, qu’elle crève aux pointes, aux dures aiguilles du roc. Je songe à tous les drames de la mer, aux angoisses, aux épouvantes des naufrages, à l’étouffement atroce