Jérusalem dans une vieille maison sarrazine, parlant l’anglais, l’allemand, l’arabe, fut emmenée à quatorze ans en Allemagne, envoyée à dix-sept ans en France ; elle a voyagé non seulement en Europe et dans le sud de l’Afrique, mais aux Indes, à Ceylan, en Indo-Chine ; imaginez quels mémoires intéressants pourra nous donner, sous le nom de Siona, cette autoresse « française », et combien le miracle de notre langue et de notre civilisation sera nécessaire pour ordonner littérairement ce chaos.
La langue de Mme Harry n’est pas toujours très pure ; et il n’est pas vrai que Jules Lemaître « l’ait exorcisée du romantisme », mais n’aurait-ce pas été la dépouiller de ses éléments essentiels ? La Conquête de Jérusalem (1905), son œuvre maîtresse, est mal composée et d’une psychologie sommaire, mais c’est une sorte d’épopée en prose, « un livre de poésie sensuelle et de fièvre, étrangement luxuriant ». (Jules Lemaître.) Les autres romans[1] de Mme Harry ont moins de qualités, mais on lira avec émotion et attrait ses souvenirs romancés, d’une sensibilité émue, d’une observation prompte et imagée.
Mme Reynès-Monlaur, mal connue des lettrés, bien que Maurras et Faguet, tour à tour, lui aient reconnu « le respect de la langue », est aimée du public catholique (Le Rayon (1902) atteint aujourd’hui la 114e édition). Elle possède une intelligence ferme, une psychologie pénétrante, une émotion haute et sereine, et le sens de la composition ioint au don descriptif. Il faut lire ses Autels Morts.
Mme Colette Yver[2], à l’encontre de Mme Réval, n’est pas féministe ; c’est une catholique et une traditionaliste, dont presque tous les romans développent des thèses : non sans talent, mais quelquefois avec une outrance, une vision limitée, qui nuisent à la fois à la vérité de ces thèses et à la valeur psychologique du récit. D’ailleurs, elle compose bien, fait vivre ses personnages et sait peindre des milieux différents.