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LE SONGE




I



Il rejette la couronne d’épines.


Comme un malade qui s’appuie sur ses bras, tente de se soulever, Alban de Bricoule se pencha hors du fauteuil de fer, aspira l’air à pleine bouche, physiquement suffoqué par son âme. Alors, pris dans cet appel, le monde communiqua de nouveau avec lui, toutes les choses clémentes et courtoises et qui vivent dans un esprit de douceur. Il perçut l’odeur des roses diluée dans l’air humide, le frémissement minuscule de l’herbe, une branche de glycine translucide qui pendait comme une main divine, la plus belle des roses, toute rouge, avec les feuilles de sa tige rougeâtres comme si elle avait saigné dessus, ou comme si elle était de la lumière et qu’elle jetât des reflets. Il eut le désir qu’elle lui donnât davantage. Il la tira du panier, la respira profondément et lorsqu’il fut au bout de sa sensation, son désir se dépassa encore, comme une lame dépasse une autre lame, et allant avec sa bouche jusqu’au cœur duret et doux, il y