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LE FRONT CONTRE LA VITRE

Nous avons donc raison de le considérer comme un être pratique ; mais il faut ajouter à ce jugement trop bref que le sens pratique dont nous sentons la présence, qui nous saisit comme la sarabanne enserre une fleur, est fondé sur un irrésistible instinct. L’Anglais ne s’embarrasse pas de théorie, ni de plan préconçu. La pensée inspiratrice, l’ordonnance logique, il les redoute. La vie est son maître. Il la reconnaît plus puissante que lui, et sa force est de savoir l’utiliser. Il obéit aux faits dont il tisse l’expérience ; sa volonté épouse les sinuosités du réel. Il veut des résultats. Son utilitarisme, son matérialisme, lui font envisager surtout un rendement solide. Mais il n’est pas pour cela dénué de moralité ni de désintéressement. On donnerait mille exemples de sa charité, de son action sociale, de son dévouement à la chose publique.

D’où lui vient cette détermination d’autant plus remarquable qu’elle est moins compliquée ? De l’école sans doute, qui chauffe la volonté de l’Anglais après l’avoir dépouillée ; mais l’école, observe Madariaga, est ainsi parce qu’elle est anglaise, en sorte que l’on revient à la tendance initiale du type vers l’action.

Chose certaine, l’Anglais est élevé dans la rigidité du self-control. Regardons-le, même au Canada : quel flegme ! Pas un muscle de sa figure qui trahisse le feu intérieur, parfois intense. L’Anglais est dompté. Dès son enfance, on lui apprend à surmonter ses passions au profit de sa volonté. La public-school, et même l’université, lui enseignent l’histoire, règle