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LA MER ET LES MORTS




J E revois le départ de la Délégation française aux fêtes de Cartier. Une gare sans larmes. Sur les malles, deux mots entremêlés : mission, croisière. Lequel l’emporte ? — La France déplace ses sommets vers le Canada.

Le soir, le Champlain s’avance droit vers l’occident. Une Parisienne, debout sur la passerelle, le mouvement du large dans ses cheveux, exulte : « La marche au soleil ! » Ce mot éveille dans mon cœur de Canadien le fol espoir que ce retour — car c’en est un — s’accomplisse sans ombre, vers les rivages où je sais que la fidélité d’un peuple attend.

Hélas ! c’était compter sans la mer, continent plastique, tour à tour plaine ou montagne, au gré des vents. Au sud de l’Irlande, le « Puits de Saint-Patrice » nous réserve son accueil bourru. Un premier faux pas, des craquements plus prononcés, nous avertissent que la vague creuse, comme disent les marins. Deux jours de chevauchée. Par bonheur, la dépression vient vers nous, et nos courses qui se croisent nous détachent plus vite vers le calme.