Page:Montpetit -Le Front contre la vitre, 1936.djvu/234

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
234
LE FRONT CONTRE LA VITRE

L’âme de la Mission se raffermit. On peut lui offrir le programme des traversées : aujourd’hui un air de valse ou une conférence, demain l’absoute en mer.

Ne racontez pas cette cérémonie, m’a-t-on dit ; elle est trop connue. Nulle croisière, surtout si elle est officielle par quelque côté, qui ne la porte au compte de ses distractions graves. Pourtant, elle nous a remués. Nous y assistons, silencieux ; et nul ne s’est douté, parmi les Français que nous accompagnions, que, par cet hommage aux morts, le voyage prenait déjà pour nous, bien avant l’arrivée à Gaspé, sa signification.

Sur un transatlantique, le grand salon est le lieu de toutes les réunions : danse, concert, cinéma, prière. On y marierait, au besoin. Un accessoire suffit à transfigurer l’auditoire, préparé par la fascination de l’affichage. La messe se dit sur un petit autel, enveloppé du tricolore. Un missionnaire se tient debout sous des ornements noirs. Des cierges minuscules clignotent sur l’étendue. Les scouts, sous leur écharpe bleue et rouge, chantent sans apprêts le dernier cantique du Titanic : Nearer my God to Thee, Plus près de toi, mon Dieu. L’orchestre joue l’Ave Maria de Schubert, puis celui de Gounod. Un prêtre canadien, après l’Évangile, lamente, dans notre indéfinissable accent, un accent total où se résout la France de l’ouest, l’oubli de l’éternité.

Qui donc se plaignait de n’arriver pas à prier sans mélange ? Malgré l’émotion, le décor m’emporte. Le marbre blanc, les colonnes tronquées, badigeon-