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AU PAYS DE LA DÉCOUVERTE

nées d’or, qui ressemblent aux poêles d’Alsace ; le plafond, où des sanguines racontent, d’un trait de schéma, la vie sauvage de nos forêts ; surtout la tapisserie de fond, que j’aime pour sa fantaisie très dix-huitième : des bêtes respectueuses comme si quelque saint François de Sales leur eût commandé d’être attendries ; des Indiens de parade vêtus de couleurs pâles ; des poissons jetés sur une peau d’ours que l’on dirait préparée pour le boudoir d’une marquise ; un fleuve qui n’est plus qu’un ruisseau, où une nef, voiles gonflées, reste immobile ; aux versants de la colline toutes les abbayes de Caen ; et, au premier plan, un Champlain botté de gris, coiffé de rose, très en dentelles. Dans un cartouche plus sévère, orné de bouches de canons camouflées de fleurs et de drapeaux, cette légende en lettres fortes : « Il a apporté au Canada la pensée française et la civilisation. »

Il n’en faut pas davantage pour me ramener à la réalité, Cette pensée, elle repart aujourd’hui de France vers le Canada, elle y revient en nous qui l’avons gardée. Double présence, que nous sommes seuls à connaître, dont le souvenir ravive la douceur et l’intime regret, et qui ne nous quittera plus pendant que nos compagnons accompliront un dernier rite qu’ils croient uniquement français.

Sur le pont arrière, devant l’insatiable affût des photographes, M. Flandin, d’une parole simple, salue les victimes de la mer : toute une flotte passe dans le temps, des corsaires aux palaces. L’officiant récite les dernières prières, d’une voix qui veut