Aller au contenu

Page:Montpetit -Le Front contre la vitre, 1936.djvu/257

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
257
DISCOURS À L’ACADÉMIE DE BELGIQUE

nales, souvent fastidieuses, ou dans des œuvres comme la Chanson de Roland ou le Roman de la Rose auxquelles ils empruntent à la fois le charme et l’immortalité. D’autres prennent place encore dans les dictionnaires, mais avec la mention vieilli qui les grandit jusqu’à la poésie, ou gardent comme seule originalité la prononciation du grand siècle. D’autres enfin sont ignorés de ceux qui continuent à croire que l’Académie française façonne la langue : ce sont les indépendants, non les moins agréables, qui vivent retirés en province. Ils viennent de la Saintonge, du Maine, de l’Anjou, du Poitou, de la Picardie, de la Bresse, du Berry, d’ailleurs encore, de la Savoie, de la Lorraine, du Midi, voire de la Wallonie ; et si nos mots accourent ainsi de partout, beaucoup retourneraient en Normandie.

Nous confondons, vous le voyez, l’archaïsme héréditaire et les dialectes provinciaux parce que nous n’avons pas coutume de distinguer ce qui vient de la mère-patrie ; il nous suffit de découvrir un de nos mots quelque part en France pour nous en réjouir et le porter français. Cela ne veut pas dire que nous parlons la langue du XVIIe siècle, ou, pour être plus exact, du XVe et du XVIe siècle ; mais bien que nous retrouvons à ces époques, à Paris et en province, la plupart de nos tournures et de nos mots que le langage d’aujourd’hui ne veut plus entendre ; que nous sommes un peu plus proches de Molière et de Lafontaine ; que nous éprouvons, à lire Montaigne ou Du Bellay, le plaisir rare d’en détacher des expressions qui nous servent couramment. Cela constitue une illustration sinon une défense de notre langue et si,