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LE FRONT CONTRE LA VITRE

comme on l’a fait observer, il ne suffit pas pour un parler, qui s’estime français, de compulser Rabelais ainsi qu’un dictionnaire généalogique, il y a là tout de même un fait qui, joint au reste, n’est pas sans attrait.

On a vite fait de caractériser notre langue et de la juger lorsque l’on dit qu’elle est d’un délicieux archaïsme. Le peuple, il va sans dire, n’a cure d’un reproche aimablement déguisé : il est, donc il parle, et les mots qu’il emploie le laissent assez indifférent. Le littérateur ne repousse pas les mots anciens, il les glisse au contraire dans le langage courant et, à l’occasion, il les invoque pour rendre justice au parler populaire et montrer combien il est périlleux, fût-on de Paris ou même de l’Anjou, de se prononcer sur des questions de langue sans rien retenir du passé ; mais il caresse, en même temps que la phrase, l’espoir d’écrire comme on fait en France et il évite les archaïsmes par trop évidents pour tomber dans ceux qu’il commet sans intention tant l’usage, qui se forme à Paris, est rapide et changeant. Il a tort, d’ailleurs ; car il écarte de parti pris ce qui pourrait constituer une originalité. La langue morte est peut-être la plus pure si elle est un produit achevé et, sans donner dans la préciosité, on peut, non sans quelque grâce, puiser dans le trésor ancien des mots qui ont le mérite d’exister déjà, et demander aux siècles une discipline qu’une langue étrangère ne nous donnera jamais. Il en est d’illustres exemples dans la littérature française contemporaine, sans parler uniquement des poètes qui ont besoin de toute la langue pour l’emprisonner dans une rime. N’est-ce pas