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LE FRONT CONTRE LA VITRE

l’École des beaux-arts, toute l’École des beaux-arts. Il a parlé sans relâche devant les auditoires que nous réunissions : foules à l’âme vaporeuse, considérables au début du cours, évanouies vers la fin. Il a formé des disciples sans les chercher, car il est modeste et entretient dans son cœur le doux scepticisme de la bonté.

Tout un élan vers l’art décoratif, fait d’intimité et de recherche dans l’aménagement du foyer, a procédé de son enseignement, comme si les tableaux qu’il évoquait se fussent détachés de sa parole pour embellir notre vie. Comment ne pas rappeler à son propos ceux qu’il défendait par son attitude, ceux dont l’âme se retrouvait dans la sienne : nos artistes, ses prédécesseurs ou ses contemporains, qui ont gardé la foi et la lumière malgré l’apathie du nombre, le peu d’encouragement qu’on leur apportait, le flot montant du mauvais goût ? Que de courage, que de persévérance dans le refuge de l’atelier où les œuvres ont encore le reflet des rêves inutiles. Peuple jeune, nos emportements sont bien de notre âge : nous nous indignons que Durham nous proclame un peuple « sans histoire ni littérature » ; nous lançons des œufs pourris à Sarah Bernhardt pour avoir osé dire que nous n’avions pas de poètes ; nous voyons rouge si quelque Français plus franc s’étonne de notre langue ; mais nous ne faisons guère pour consacrer parmi nous ce que notre colère revendique, pour placer où ils devraient être ceux qui s’efforcent, par leurs travaux, d’atténuer les propos qui nous blessent.