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LE FRONT CONTRE LA VITRE

que l’habit de la pensée. Épurons d’abord celle-ci et le vocabulaire viendra ensuite de lui-même… Par la lecture, par l’explication des textes, par un contact quotidien avec la pensée française, celle d’aujourd’hui autant que celle d’hier, et par cela seulement, nous arriverons à la possession véritable du français. »

Ainsi l’idée de langage et l’idée d’art se rejoignent : nos pierres parlent mal parce qu’elles ne pensent pas, parce qu’elles ne se souviennent plus. Il faut généraliser l’idée de l’art comme il faut généraliser la culture, répandre la beauté et se décider à la servir, suppléer le métier, toujours nécessaire, par l’esprit critique qui forme l’atmosphère où s’affermit le goût collectif.

Ce sera long, sans aucun doute ! Une revue de Paris demanda naguère à ses lecteurs : « Quel est le plus beau vers de la langue française » ? Émile Faguet répondit : « C’est une ligne de prose, la dernière de la Prière sur l’Acropole : Dans le linceul de pourpre ou dorment les dieux morts ». Qu’est-ce donc qu’un beau vers ? Quand on est jeune on se laisse prendre à des sonorités que l’âge atténue :

Je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées.


Plus tard, on devient plus sévère. L’œil, puis l’oreille, pénètrent le rapport inattendu des choses. Un simple rejet, qui n’a guère de signification en soi, charme par sa couleur ou son mouvement ; un geste, un simple nom propre :

C’est là que se promène
Madame de Lamballe.