Page:Montpetit - Au Service de la Tradition française, 1920.djvu/157

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nelle d’une langue. Ceux qui affirment le contraire ont tort assurément. Beaucoup écrivent ou parlent d’instinct, comme ils disent, et se fient à leur oreille, qui n’éviteront pas, la difficulté venue, telle faute de syntaxe, écrivant, par exemple, « tout bon qu’il soit » pour « tout bon qu’il est ». Convenons aussitôt que la grammaire ne conduit pas à tout, même si l’on n’en sort pas. Il faut lire, souligner et relire : lire la plume à la main, lire à haute voix ; lire en méditant, en analysant ; lire avec les yeux de l’esprit ; percer le mot jusqu’à l’idée et, plus profondément encore, jusqu’à la nuance. Cela ne se fait pas sans quelque gymnastique préparatoire ; et je n’en connais guère qui vaille mieux que celle qui consiste à apprendre et à réciter des pages choisies, à la condition d’en avoir préalablement pénétré le sens pour vraiment se les « convertir en sang et en nourriture ». La récitation, n’est-ce pas la vie expressive et sensible des mots ? La prononciation bien articulée, n’est-ce pas la langue elle-même dans sa perfection, dans sa totalité ; n’est-ce pas donner au mot toute sa portée et en faire une pensée vibrante, sonore, harmonieuse ?

Ainsi se précise, en définitive, notre double devoir à l’égard de notre langue : la posséder pleinement