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LA TRADITION FRANÇAISE

Nos pères sont venus d’Europe. La nature leur ouvrait ses solitudes. Dans le silence que scrutait le regard émerveillé des découvreurs, s’éleva, au bruit cadencé de la pagaie, la chanson de France dont l’écho s’enrichit. Là commence la prise de possession, notre long effort laborieux et tenace. Champlain et ses compagnons, penchés sur les premières semailles, écoutent, le cœur battant, remuer cette chose qu’ils ont créée : la vie. Bientôt, le hameau s’organise autour de cette pacifique conquête. Bientôt, les blés sont assez lourds pour permettre l’espoir ; la maison est assez nombreuse pour qu’y balbutie l’avenir : près du clocher qui se dresse, qui pose ses assises sur le sol, les morts vont dormir par qui le peuple prend naissance dans l’immortalité.

L’œuvre gigantesque prenait forme, lorsque sur elle passèrent des jours mauvais que nous avons pourtant exaltés, y puisant le désir et la raison de vivre. La terre resta la bonne conseillère : qui donc pourrait déplacer le poids de cette tradition ? Les rides du sillon sont le signe d’une longue existence. Le paysan, lent fondateur de peuples, s’appuya sur sa bêche. À la force des armées, à l’assurance des conquêtes, aux conséquences de la défaite, il opposa la paisible durée de son geste. Une heure vint où la force de cette résistance triompha par sa vérité même. L’âme populaire eut