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Robert entoure-t-il de ses soins jaloux cette frêle promesse de paix. Mais, dans le silence de cette intimité, son imagination parle encore. Son esprit se torture. Pour Louise est-il autre chose qu’un malade qu’il faut soigner, autre chose « qu’une œuvre de charité ? » Quelle preuve a-t-il reçue de son amour ? Des mots, seulement des mots, aussi trompeurs que ses attitudes sont voulues. La passion, qui ne le quitta jamais, s’avive sous la morsure du doute. Il veut savoir. Mais le vase trop plein déborde du pétale qu’il y jette. Pour le satisfaire, il achève de briser son amour, jouet de sa vie. Louise s’enfuit, meurtrie de regrets. Et Robert s’avoue vaincu devant cette dernière désolation qu’il a semée : « pour la première fois de ma vie peut-être je m’oubliai moi-même. »

Il retourne à sa maison, à sa vieille maison de Presseval, abri fidèle, cadre paisible où il est venu endormir ou bercer chaque illusion. Naguère, elle lui disait, dans son langage de chose : « Va, tu vieilliras aussi, et tu seras content, fatigué de vivre, de revenir te blottir dans mes bras pour mourir ». Il y revient, en proie à l’inquiétude de la vieillesse, évoquer le souvenir de ses morts et poser ses yeux sur le grand inconnu. Tout le fuit, tout l’abandonne. Il s’enfonce dans la nuit qui vient, comme un grand arbre mort, dépouillé, éperdu.