Page:Montpetit - Au Service de la Tradition française, 1920.djvu/47

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Ont-ils, dès les premières heures de la guerre, senti naître en eux une telle âme ? Les luttes politiques les avaient lassés. Ils n’y voyaient pas d’emploi à leurs énergies spontanées. L’inutilité de certaines querelles déconcertait leur ambition ; et leurs visions d’avenir déchiraient les horizons étroits d’une existence encerclée par des appétits et des ruées. Ils s’étaient arrachés à une vie de tourments pour se reporter, d’eux-mêmes, vers des espoirs plus purs et des activités moins terre à terre. L’attaque des barbares les trouva prêts : ils allèrent à la conquête et à la défense d’un idéal enfin retrouvé, et dont la beauté se manifestait davantage à côté des horreurs que la philosophie allemande, réalisée dans ses aboutissants logiques, accumulait sur les champs de bataille. Jeunesse de France, dont j’ai compris toute la générosité en lisant un jour, à Nancy, près de la statue de Carnot, un appel aux armes en pleine paix. Âme de frontière, disait Henry Houssaye ; âme de frontière, dont j’ai suivi le déploiement magnifique, depuis les lignes gracieuses de la place Stanislas, aux aspects reposants, jusqu’aux défenses, semées de morts, de la Trouée des Vosges ; jusqu’au Lion de Belfort, creusé dans le roc, impassible et rouge.


Montréal, mai 1915.