Page:Montpetit - Au Service de la Tradition française, 1920.djvu/85

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dinand Brunetière que ce même problème avait passionné.

La France vivante en Amérique du Nord, c’est le Canada français.

On nous a reproché d’ignorer les nuances et de négliger les idées. Si le reproche est mérité, il n’est pas absolument justifié. Nous avons eu autre chose à faire, et de plus pressé, s’il nous a fallu vivre, résister, vaincre quotidiennement, faire triompher en notre chair d’abord la perpétuité de la race française. Pendant de longues années, nous n’avons connu que les nuances ternes que reflète, au soleil de mai, la terre déchirée. — Mais nous avons duré, n’est-ce pas déjà une élégance française ?

Des hommes sont venus, apportant sur ce sol vierge et dur toute la beauté de leur énergie. Ils étaient Français. Ils venaient de la province. Normands, Bretons, Bourguignons, Angevins, Picards, Rochelais, Saintongeois, Basques, ils passaient les mers, riches de toutes leurs traditions et de leurs sentiments nationaux. Ils portaient en eux leur patrie. Ils résistèrent longuement au climat, aux barbares, aux armées ennemies, et à la désespérance qui nous paraît si facile quand nous regardons leurs épreuves. Ils se sont courbés sur le sillon, dans cette attitude de résistance et de solidité que nous prêtons au paysan. La tempête