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Page:Montpetit - Au Service de la Tradition française, 1920.djvu/96

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LE CULTE DE L’INCOMPÉTENCE

comme compétents, mais comme inégaux, ou, comme il dirait encore, s’il voulait s’excuser, non comme inégaux, mais comme suspects, parce qu’ils sont inégaux, d’être antiégalitaires ; et tout cela revient bien précisément au même ».

De plus, le peuple nourrit l’ambition bien arrêtée de gouverner lui-même, de tenir le sceptre et d’être ensemble la volonté qui crée et celle qui dirige. Il est, sur ce point, plutôt ombrageux. Il lui déplairait que ses élus eussent quelque velléité d’indépendance. Ne sont-ils pas sa chose, après tout : qui donc commande, quand c’est lui qui vote ? — Il y aurait bien un moyen de tout arranger, et qui serait le mandat impératif. Mais la discussion parlementaire aurait vite fait de l’anéantir. Il est si facile, dans un moment de chaleur, d’oublier une promesse lointaine que l’on fit pour conquérir le suffrage dont elle était le prix. Non, le peuple a mieux que cela, et il en use. Il lui suffit de nommer des hommes qui soient siens par l’esprit et le cœur, qui partagent ses passions, éprouvent ses colères, vivent ses intérêts. Ils ne flancheront pas : leur caractère même en est la garantie. Leur attitude est fatale : ils sont la foule. Elle possède en eux le pouvoir ; la voilà à la Chambre ; elle gouverne. « L’ennemi de la démocratie, écrit M. Faguet — et c’est le point fort de sa théorie — ou tout au moins l’homme dont elle se défie