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LE BARS

l’énergie du pêcheur moderne, par la force d’action et de résistance, la hardiesse, l’énergie musculaire et la volonté qu’il exige pour réussir. »

Tant ambitieux que puissent être les hommes, il est des jours où ils se lassent de ramasser de l’or, des jours où ils vont s’étendre sur l’herbe pour se reposer de leurs courbatures, ou pour lever les bras à la chasse, au yachting, à la pêche sportive surtout : ne fût-ce que pour se redresser des doigts crochus. C’est ainsi que dans les jours chanceux de la pêche au bars, un bon nombre de millionnaires de Wall Street quittent sournoisement leurs bureaux pour aller pêcher le bars à Hell-Gate, Pot-Rock, Mill-Rock, à quelque six ou huit milles de l’hôtel de ville de New-York, pour se faire la main, en attendant le concours sportif de Cuttyhunk, Pasque, West Island et Squibnocke, où des sommes fabuleuses se risquent sur un fil de soie armé d’un petit crochet d’acier appelé hameçon, lancé dans des vagues tourmentées, à la recherche du bars.

Mais je ne vois pas pourquoi une esquisse de Cuttyhunk, du groupe des îles Elizabeth, avec un croquis de ses estrades, un mot de l’organisation et du fonctionnement de son club excessivement millionnaire, ne trouverait pas un petit coin ici. Il est des portes qui restent sourdes à la plainte du pauvre honteux, mais je n’en connais pas qui ne s’ouvrent à deux battants devant le millionnaire heureux et content.

L’île de Cuttyhunk située à environ seize milles de New Bedford, s’étend en large, à l’extrémité sud-ouest de Buzzard’s Bay, dont les raz de marée assaillent violemment les falaises, au nord, pendant que l’océan vient de l’autre côté, au sud, briser des vagues immenses et solennelles sur d’immuables rochers souriants ou sourcilleux, suivant les jours de calme ou de tempête. Un club déjà ancien porte le nom de l’île de Cuttyhunk, où il possède plusieurs centaines d’acres de terre, où il a acquis les droits exclusifs de pêche dans les eaux intérieures de l’île, et du haut des rochers qui la ceinturent. Dès les premières années de la formation du club, on transporta de l’achigan dans un des principaux étangs de l’île, et il y a prospéré d’une façon prodigieuse. D’autres étangs sont abondamment peuplés de perches, de truites et de menu fretin ; mais l’attraction millionnaire irrésistible de ce rocher verdoyant que l’or parsème de plaisirs, de beautés toujours rajeunies, de parterres fleuris, de scènes féeriques, se trouve dans la pêche au bars, en l’honneur de qui on a construit, comme autant d’autels, un nombre infini d’estrades tout autour de l’île. C’est là que viennent officier, au caprice du tirage, les millionnaires de Wall Street, autres doges qui jettent à la mer un hameçon au lieu d’un anneau d’or. Ces estrades sont construites sur la crête de rochers élevés et supportées par des charpentes en fer. Des ponts, également en fer et bien appuyés, y conduisent depuis la terre ferme. L’espace propice à la pêche à lancer se trouvant nécessai-