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LE BARS

craignait que le frottement sur les galets ne compromît la capture d’un bars de forte taille. »

Au Nouveau-Brunswick — une des provinces du Canada — la pêche au bars pourrait avoir une importance assez considérable, n’étaient les intérêts autrement sérieux qui gagnent l’industrie de la pêche devers la pêche aux poissons du sac aux millions, le hareng, le saumon, le maquereau et surtout la morue.

Cependant, ce poisson était si abondant dans certaines baies et rivières, que sa pêche facile et toujours assurée était réellement rémunérative. Malheureusement, il y eut des abus : le petit poisson pourrissait par milliers au fond des pêches asséchées, à marée basse, ou sur les grèves, après la seinée ; les Amalécites en faisaient un massacre effrayant au nigog, à l’époque du frai ; si bien que pour éviter sa ruine imminente et prochaine, cette pêche fut rigoureusement interdite pendant l’espace de trois ans. La mesure eut de très heureux résultats ; car, après une éclipse totale sur le marché, le bars y reparaissait en 1894, avec un chiffre respectable de 404,000 lbs, d’une valeur de $40,400, ce poisson se vendant couramment 10 centins la livre.

Au Nouveau-Brunswick les esches dont on se sert pour pêcher le bars varient suivant les saisons ; en avril, lorsque ce poisson remonte les cours d’eau pour y frayer, il est tenté par la crevette ou par les œufs d’alose, savamment apprêtés ; plus tard, le crab mou dépouillé de sa carapace aura ses préférences et restera en faveur jusqu’à ce qu’il ait revêtu de nouveau son armure ; il est alors remplacé par l’encornet, la sardine ou le capelan ; mais il lâchera tout cela pour happer une moule qu’il viendra cueillir jusqu’à fleur d’eau, tant il est friand de sa chair savoureuse. Le pauvre poisson n’ayant pas de dents pour les croquer, ni de couteau pour les ouvrir, vit au milieu d’elles comme le renard avec les raisins ; mais si vous voulez lui faire plaisir, sortez-en quelques douzaines de leurs coquilles, offrez-les-lui, et vous verrez qu’il n’attendra pas le jus du citron pour les engloutir.

Dans la province de Québec, autre partie du Canada, le bars pénètre franchement par la bouche du fleuve Saint-Laurent, jusqu’à Sorel. Certains aventuriers de la famille se sont même rendus, dit-on, jusqu’aux pieds de la chute Niagara. D’où en serait-on surpris, lorsqu’on a vu le salmo salar acclimaté dans le lac Ontario, tout autant que le huananiche dans les lacs des hauteurs du Labrador ? Tous les jours on capturait, d’ici de là, à Caughnawaga, au Buisson, à Cornwall, quelques-uns de ces beaux voyageurs anadrômes, en remonte vers le grand lac Ontario, un des joyaux du Canada, serti par les plus riches campagnes, dont l’éclat est rehaussé par des cités et des villes qui sont l’admiration du monde entier. Ces saumons harponnés au passage attestent évidemment