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LE BARS

sera de bonne grosseur pour fournir une esche appétissante au bars goulu. Le bars la suit de près ; il accourt, il arrive, il est arrivé. C’est le temps de pousser au large, car les premières pêches sont assez souvent les meilleures. Les uns traversent de Saint-Thomas ou de Berthier aux îles d’en face, les autres moins hardis ne dépassent pas la batture d’où ils peuvent rentrer au port en quelques coups de rame, si le gros temps menace.

C’est à Saint-Thomas, dans les îles d’en face, à l’île Madame et aux Battures-Plates, par le nord du fleuve, que sont les meilleurs endroits de pêche, mais, je le répète, c’est à la batture aux Loups-Marins vis-à-vis de l’Islet, que se prennent les bars de la plus forte taille, qui pèsent parfois jusqu’à vingt livres et mesurent de trois pieds à trois pieds et demi de longueur. Le bars est généralement plus gros dans les îles que sur la batture, encore qu’en ce dernier endroit on en capture quelquefois de très beaux.

Les amateurs de pêche de Québec et de Montréal assectionnent les parages de la côte Beaupré, de l’île Madame et des îles Sainte-Marguerite et de la Corneille. Quant aux pêcheurs de Saint-Thomas, ils ont presque tous des endroits à eux dont ils gardent le secret ; les plus madrés, et de beaucoup, sont les pêcheurs de l’île aux Grues.

La pêche se fait au moyen d’une ligne de quinze à vingt brasses, munie de deux forts hameçons montés sur empile de crin ou en corde filée, et lestée d’un plomb ou cale du poids de six à sept onces, qu’on lance à toute volée. Un pêcheur habile surveille et entretient aisément deux lignes.

En fait d’esches, le bars préfère la sardine à toute autre ; mais, de chair tendre, elle se gâte promptement ou se déchire, soit en lançant la ligne, soit au contact des galets ; après la sardine vient l’éperlan qui fournit une esche plus résistante, puis le mulet et le tommy cod ou petite morue. Il en est qui pêchent le bars au tue-diable, aux moules et même à la mouche, mais ce mode n’est pas pratiqué à Saint-Thomas. C’est l’ibis écarlate mêlé de plumes blanches, que l’on emploie pour l’achigan, qui constitue la meilleure mouche pour la pêche au bars. À défaut d’autres appâts, on peut employer les yeux et les intestins du bars lui-même. Les poissons blancs de rivière, chevesnes, gardons, brêmes et autres ne réussissent jamais.

Le bars est glouton et mord franchement. Une fois piqué, il oppose une furieuse résistance. Pour peu qu’il soit de bonne grosseur, de ceux nommés sileux ou siffleux parce qu’ils sont siler la ligne dans leur effort pour s’échapper, il faut savoir le ménager, le tenir ferme tout en l’attirant doucement et lui lâchant même de la ligne au besoin. Il est prudent de tenir l’épuisette prête pour le recueillir aussitôt qu’il arrive