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LES POISSONS

jusqu’à l’extrémité du museau. D’après M. E. Blanchard les narines seraient plus linéaires que chez les formes précédentes ; c’est peut-être la plus commune et la plus répandue.

L’anguille à long bec. — Cette anguille a le corps plus étroitement effilé, la tête petite, étroite, même à la hauteur des yeux et va s’amincissant en pointe effilée à son extrémité. Les yeux sont plus latéraux et les mâchoires plus grêles. Elle parait moins répandue que les formes précédentes.


L’anguille s’accommode à peu près de toutes les eaux quoiqu’elle préfère les fosses profondes à fond vaseux où elle se creuse un gîte à double issue, se ménageant ainsi entrée et sortie à volonté, en cas de danger ou pour saisir sa proie. Elle nage à reculons presque aussi bien que dans l’autre sens. Dans les grandes chaleurs de l’été, si les eaux croupissantes qu’elle habite lui refusent sa ration d’oxygène, elle vient respirer à la surface en se cachant sous les plantes qui bordent le rivage ; parfois elle quittera ces eaux pour aller à de grandes distances en chercher de plus pures. Il n’est pas rare d’en rencontrer la nuit dans les champs qu’elles traversent pour changer d’habitat, selon les uns, pour aller manger des petits pois dont elles sont très friandes, selon d’autres.


Un cabaretier de Lubeck, homme intelligent, racontait ce qui suit : « C’était pendant l’été de 1844 ; j’étais alors au service d’un cultivateur de Wilmseorf, lorsque j’allais en compagnie d’un autre domestique pour traire, vers trois heures, les vaches qui paissaient dans un champ. Nous passions auprès d’un champ de pois appartenant à notre maître lorsque nous fûmes attirés par un bruit tout particulier ; nous vîmes alors plusieurs anguilles dans le champ de pois. Je courus en toute hâte à la demeure et revins avec un domestique menant avec lui une charrue attelée de trois chevaux. En traçant trois sillons dans l’étroite bande de terre qui séparait le champ de pois d’un étang, nous trouvâmes une quantité d’anguilles que nous mîmes dans un sac pour aller les vendre au marché de Lubeck. »


Les migrations des anguilles doivent être rares, quoiqu’il soit hors de doute qu’elles soient possibles et qu’elles aient lieu dans certaines circonstances. Grâce à leur conformation reptilienne, à l’exiguïté de l’ouverture de la chambre branchiale qui leur perrnet de conserver une certaine quantité d’eau pour les besoins de la respiration, elles peuvent parcourir des trajets assez considérables. Il est probable aussi que d’instinct elles profitent de nuits pluvieuses ou de rosées abondantes pour se mettre en voyage.