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LES POISSONS

l’on s’est vite aperçu que, parmi eux, un très petit nombre répondaient aux qualités que réclame la vraie et bonne canne à pêche. On peut diviser tous les bois employés en deux catégories : les lourds et les légers.

Les lourds sont : le hicory ou noyer blanc d’Amérique, le noyer, l’orme, le coudrier, le frêne.

Parmi les légers nous placerons : le sapin creusé, le bambou, et, tout à côté, son diminutif chez tous, la canne qui croît dans le midi de la France et en Italie avec une grande facilité.

Tout en renvoyant le lecteur aux articles spéciaux sur l’étude de chacun de ces bois, nous devons ici constater quelques-unes de leurs qualités et de leurs défauts avant de passer en revue la confection des cannes en chaque matière.

Le hicory est très élastique, mais très lourd ; il peut servir à faire toute la canne moins le scion ; mais son véritable emploi consiste dans la première moitié de la longueur, la plus grosse, celle que le pêcheur tient à la main. Il est en effet très important qu’une canne soit bien équilibrée, car elle se trouve entre les mains du pêcheur à l’état d’équilibre instable. On peut la comparer au fléau d’une balance dont la main du pêcheur est le support, fléau à deux bras de longueurs inégales et par conséquent dont les poids doivent être inégaux pour que l’équilibre s’établisse. La partie en avant doit être très légère, son centre de gravité sera toujours assez loin de la main du pêcheur, mais si celui-ci rend lourde la partie la plus grosse qui est au delà de son poignet, vers le coude, il rapprochera le centre de gravité du système entier, et pourra arriver à le faire venir dans sa main, position dans laquelle la canne sera en équilibre, comme le fléau de la balance dont nous parlions tout à l’heure. Ainsi équilibrée la canne demande le moins d’effort possible, puisqu’il ne faut que celui nécessaire et indispensable pour vaincre sa pesanteur.

Si, au lieu de cela, le pêcheur tient en main un instrument dont le poids est en avant, il lui faut un effort constant, non seulement pour porter la canne, c’est-à-dire vaincre l’effet de la pesanteur, mais un effort plus pénible pour en soutenir élevée la partie antérieure sans cesse sollicitée vers le sol. Cet effort, si petit qu’il paraisse, pendant un instant, devient une vraie fatigue, alors qu’il se renouvelle sans relâche pendant un assez long temps.

Si le pêcheur est sédentaire, ce n’est encore qu’un demi-mal, parce qu’il peut faire porter sa canne par une fourchette et son piquet, ou simplement il peut la poser à terre, si la berge est un peu élevée ; mais, qu’il s’agisse de pêcher à la mouche, et alors la question de l’équilibre de la canne prend une importance capitale, en raison de la fatigue que cette