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DES POISSONS

que ses moindres volontés étaient exécutées avec promptitude et soumission. « Le maigre commande, disaient-ils, et les sardines obéissent. » On sait aujourd’hui que ce prétendu roi — couronné par l’amour du merveilleux et l’erreur de l’opinion — est un véritable ennemi des sardines, et donne la chasse à toutes les espèces de petits poissons. Il ne règne dans l’Océan que par la terreur qu’il inspire et la dévastation qu’il exerce autour de lui.

Les maquereaux et les donzelles produisent également des sons particuliers. Pendant un voyage scientifique que fit M. Lemesle au Cambodge, en 1804, il a trouvé des poissons chantants, dans un grand lac du pays.

— Va !… Pourvu que ce ne soient pas des grenouilles !

Mais en 1866, M. A. Moreau a constaté, sur ce point, des faits curieux et intéressants qui méritent une attention sérieuse. Il s’agit surtout de trois espèces de poissons sonores, sinon musiciens — ou harmonieux — à savoir, les trigles, surnommés grondins, l’organo et la lura (lyre, mentionnée par Aristote), dont il explique la faculté phonétique par des dispositions anatomiques que la science est forcée de reconnaître — en dépit qu’elle en ait.

Dans sa remarquable description du royaume de Siam, Mgr  Pellegoix parle d’un poisson nommé langue-de-chien qui ressemble beaucoup à la sole et qui jouit de facultés assez extraordinaires. Il s’attache au-dessous des barques, et fait entendre un bruit très sonore, et même harmonieux ; ce qui est encore bien plus frappant lorsque cinq ou six de ces animaux sont collés à la barque.

Il paraît que ces poissons merveilleux ne sont pas particuliers au royaume de Siam. Dans un voyage assez ancien déjà, exécuté au centre de l’Amérique (1879), don Henrique, vicomte Onfroy de Thoron, parle d’une autre espèce de poissons par lui découverts dans la baie du Prailon (république de l’Équateur). Ce voyageur longeait la plage, lorsque tout à coup un son étrange, extrêmement grave et prolongé, résonna à ses oreilles. Il avança encore, et entendit une multitude de voix qui lui parurent se rapprocher des sons des orgues d’église. Ne voyant rien autour de lui, il interrogea les aborigènes qui conduisaient sa pirogue, et qui lui répondirent : les uns, que c’étaient des poissons chanteurs, les autres, les esprits de ceux qui n’étaient plus.

M. de Thoron entendit les mêmes concerts sur les bords de la rivière Matajé. Il put ainsi remarquer que ces poissons vivent dans l’eau douce aussi bien que dans l’eau salée. Ils n’ont pas plus de dix pouces (anglais) de longueur. Leur conformation antérieure n’a rien de particulier. Leur couleur est blanche, avec quelques taches bleuâtres sur le dos. C’est vers le coucher du soleil que ces poissons commencent à se faire entendre ; ils continuent leurs chants sans s’inquiéter des bruits extérieurs, et cela