Page:Montpetit - Souvenirs tome II, 1949.djvu/46

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santa. — « C’est ma dernière cartouche, repartit philosophiquement le général. À notre âge, baron, les habitudes nous laissent, nous ne les quittons pas. » Sur ce mot, il s’en fut au sleeping où je l’entendis bientôt grommeler contre quelqu’un. Je me précipitai, craignant qu’il n’eût besoin d’un interprète. Je le trouvai en difficulté avec le moricaud :

— Mais je vous dis pour la troisième fois de préparer mon lit.

— Je veux bien, rétorquait en anglais le nègre désolé, mais je prierais Monsieur de quitter la banquette.

Cependant il s’expliquait en vain, à grand renfort de gestes, et le général persistait à ne pas comprendre qu’on lui refusât la chose si simple qu’il demandait. Il rit de bon cœur lorsque je lui fis entendre l’embarras de son interlocuteur : « Vous êtes assis sur votre lit, mon général, il faut mobiliser ». Il se rendit ; et Gabriel Hanotaux qui passait de s’écrier : « Je vous ai toujours soupçonné, général Lebon, d’être un séditieux ».

Le calme s’établit. Seul, Gabriel-Louis Jaray prolongea sa veillée, occupé à classer un volumineux courrier.