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SOUVENIRS

vêlent la hâte émerveillée d’une mise en place. Mon regard s’attache surtout aux révélations de l’art, les seules que j’entende et retienne comme des confirmations ; l’ordre apaisant de la place Stanislas, la douce terrasse de Metz ouverte sur les lointains de France, le solide orgueil de Strasbourg, tout cela subsistant comme un témoignage parmi les intrusions de force poussées au souffle germanique.

Comment interroger les hommes ? Je ne saurais les distinguer et je n’oserais miser sur leur physique troublant. Il y a bien ce vieillard à la jambe de bois. Décoré de la médaille de 1870, il nous accueille au seuil d’un musée. Il ignore que nous sommes Canadiens et sa chanson nous plaît parce qu’elle personnifie la résistance que nous attendons. Il nous raconte ses campagnes et, en sourdine, sa haine de l’envahisseur.

Un régiment survient, au pas de l’oie. Il fait halte et rompt les rangs. La musique joue Poète et Paysan. Un soldat, tout proche de nous qui sommes attablés à la terrasse d’un café, murmure, nous entendant parler français : « Attention aux Prussiens ». Je songe à Herckmann, au Service de l’Allemagne.