Page:Montpetit - Souvenirs tome II, 1949.djvu/92

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À la gare, je gagne le guichet derrière lequel s’agite un jeune homme blond, les yeux cerclés de lunettes. Depuis plusieurs minutes, je tourne dans ma tête une phrase en allemand dont je ne perçois pas l’étrangeté mais qui se déroule suivant les mots que je possède de cette langue et qui veut dire : auriez-vous la bonté de me donner deux billets pour Strasbourg : « Haben sie die Gute mir zu geben zwei Fahr-Karten nach Strassburg ». Le préposé me pose une question, toute naturelle mais que je n’avais pas prévue : « Wasse Klasse ? » Que répondre ? Je connaissais deux ou trois chiffres : Ein, zwei, drei… Mais comment dire, « deuxième classe » ? Il fallait s’exécuter, puisque j’avais amorcé ce périlleux dialogue. Je fis un effort et je dis en hésitant « Zweiter Klasse ». Le jeune homme prit deux billets, les poinçonna, les glissa sous le grillage et me dit avec le plus pur accent français : « Voilà Monsieur ». — J’étais payé !

De Strasbourg, nous montons vers Sainte-Odile, par un long lacet rouge, sous les pins au port d’armes. Du sommet le souffle s’étend sur une campagne assagie et volontaire. Nous visitons le cloître, le cimetière où dorment les