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ACADÉMICIEN

aussi lui, au sein de la dévastation, une renaissance française.

Le Cardinal Luçon occupe un immeuble que l’on a mis à sa disposition, près de la cathédrale : il peut ainsi accueillir facilement les étrangers qui affluent de toute part vers Reims.

De beaux cheveux blancs, longs et souples, encadrent ses yeux bleus, son front large. Sa figure respire la bonté, la loyauté, une aimable ténacité. C’est un homme cordial et simple. Il nous parle avec une volubilité émue de la guerre et du martyre de sa cathédrale. Il a reçu des Canadiens qui l’ont conquis. Ils venaient de toutes les provinces de France, et leurs noms le disaient. « Vous êtes vieille France : que n’avons-nous aussi gardé vos traditions ! »

Nous nous acheminons vers la cathédrale, criblée par les bombardements comme si on avait voulu détruire ce témoignage du passé, et qui apparaît telle une blessure que porterait la France. Tout à côté, par les soins d’un architecte, a été constitué un musée qui réunira des débris que les obus allemands ont détachés et morcelés : délicieuses têtes, gargouilles dont la gueule est pleine encore de plomb fondu, mouvements de pierre, frises, plaques, torses, grimaces — des morceaux, comme ceux que j’aurais voulu, naguère, détacher de la Sixtine et qui auraient chez nous une inestimable valeur.

Nous rentrons à Paris par Château-Thierry et nous arrivons à Meaux vers minuit. Nous couchons dans un ancien château, qui appartient à la famille de Montcalm. Les boiseries et les fers forgés sont de l’époque. Tout près, la cathédrale et le monument de Bossuet.

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