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SOUVENIRS

en marche ; et nul ne soupçonne, en lisant un article d’apparence anodine, ce qu’il a coûté de réflexion et d’expérience. Ces textes d’une froideur rigide, que l’on exhume aux moments difficiles, animent et maintiennent notre institution, sans briser l’élan qui reste libre, sans appauvrir le généreux afflux des traditions.

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J’assistai, de mon poste de vigie, à l’épanouissement de notre œuvre. Plusieurs motifs nous pressaient : donner à la population des centres d’instruction adaptés au progrès ; prendre place dans l’ensemble de l’avance canadienne et américaine vers la formation professionnelle ; prévoir et prévenir les réactions sociales d’un monde transformé par le productivisme et voué à la noble inquiétude du lendemain, manifestée dans la lettre et l’esprit des Encycliques ; connaître nos traditions, les fonder sur le passé et les assouplir au présent, en dégager la richesse, en nourrir la fierté, pour assurer, dans les bornes de l’empire dessiné par nos découvreurs, le paisible rayonnement de l’esprit français.

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À l’organisation de l’Université de Montréal s’accrochait l’espoir de fondations nécessaires. Nous n’avions pas de Faculté des sciences ni de Faculté de philosophie : René du Roure, professeur de littérature française, parcourait en toge le principal corridor de l’Université et disait avec un bon sourire : « Je suis la Faculté des lettres ». Les sciences sociales étaient à peu près ignorées et ce qui en existait trouvait refuge dans une Faculté