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SOUVENIRS

la contourne, tient toute dans le néo-gothique de son Parlement. Elle se dégage à contre-jour sur le roc qui domine la Chaudière, vieillie du souvenir de la jeune Confédération qui nous accompagne.

Des traits naissent, aussitôt perdus. Hull, de bois noirci, aux maisons rapprochées, assez hautes sous un même toit incliné, garde la sortie du Plateau laurentien. Une usine de pulpe y rassemble, pour la broyer, l’inépuisable forêt que conquit l’aventure française.

Sur l’Outaouais, le soir descend des montagnes où jusqu’ici j’étais passé de nuit. Moment délicieux que berce l’enchantement d’un beau voyage qui commence. La rivière est d’un calme bleu parmi les bois assombris : le pays prolonge jusqu’à nous une persistante impression de paix.

La terre est riche encore, qui fut donnée aux Loyalistes et reprise par les nôtres. La région est mamelonnée et rappelle les contreforts de Saint-Jérôme. La nuit éteint l’eau miroitante. Nous suivons la route de Champlain et des premiers missionnaires, vers les Grands Lacs ; et les chansons canadiennes de Marchand et de Boucher réveillent les échos du passé. Des noms de villes apparaissent sous les lumières falotes et s’animent d’ombres : Renfrew, Pembrooke. On parle encore français aux gares. La locomotive siffle vers le nord. Nous avons atteint les limites de la plaine, de notre vallée laurentienne. Demain, le Plateau nous encerclera de ses solitudes.

***

La messe nous réunit à Chapleau, toujours en territoire français, dans une église aux cintres agréables que des plâtres alourdissent.

Chapleau, c’est un nom d’hier. Je me souviens