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VERS L’OUEST

de celui qui le portait. Ici, c’est un centre neuf que nourrissent le chemin de fer et l’industrie du bois, un centre perdu dans le Plateau. Le décor est simple. La montagne, un anneau de la longue chaîne qui divise et unit notre pays. Des maisons de bois espacées, des bungalows. Un air de villégiature, avec une influence de civilisation anglaise.

On chante des cantiques : Salut, étoile du matin ; Le voici l’Agneau si doux ; Donne-nous un beau jour. J’éprouve de l’émotion à ces mots qui se retrouvent si loin. Des enfants saluent en français mademoiselle Hortense Cartier. Vêtues de blanc, elles portent chacune une lettre en feuilles d’érable. Rangées sagement, ces lettres forment notre devise : je me souviens. Le malheur est que les petites se mêlent, et la devise avec elles.

Je dis un mot qui cherche l’harmonie. Je m’étonne de m’entendre parler anglais, parler tout haut une langue que j’ai surtout pratiquée jusque-là dans le silence comme un enfant se prépare à réciter un compliment. Et j’achève mon allocution en français sur le souvenir de Louis Hémon qui est là, près de nous, au cimetière. Chapleau, comme toutes les agglomérations, rallie les vivants et les morts.

Deux cimetières, car la population est anglaise et française, protestante et catholique, deux enclos déjà peuplés, me rappellent ce que mon père écrivit sur le cimetière de Saint-Timothée, où les tombes rugueuses des premiers colons fondent dans la terre la cité des morts plus cossus qui viendront à leur tour s’abimer dans l’égalité suprême. Une grande croix, un crucifix de bronze, en marquent le centre.

À droite, proche de l’enceinte, la tombe de