Aller au contenu

Page:Montpetit - Souvenirs tome III, 1955.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
149
VERS L’OUEST

bois, des instruments aratoires, des wagons de marchandises, des garages, tout le méli-mélo d’une ville en travail où subsistent comme des taches des lambeaux de toundra.

Nous sommes en pleine fête. Des cortèges sillonnent la ville, y sèment des bruits étranges. Des environs, on est accouru en foule aux arènes. Tout ce monde est en joie. C’est le Stampede, sorte de carnaval de la vie sauvage. Son nom est d’origine espagnole : estampida qui, selon les dictionnaires, désigne, en particulier, la panique qui s’empare d’un troupeau. Devant les gradins, noirs de spectateurs, de solides gaillards jugulent en quelques mouvements des bêtes effarouchées : elles sont ligotées, couchées sur le flanc ou contraintes sous l’emprise de l’homme. Spectacle coloré, audacieux, image d’adresse et de ruse où se révèle un aspect saisissant de la vie de l’Ouest.

L’esprit empli de cette évocation, je m’attarde à causer avec le président de la Société Saint-Jean-Baptiste, M. Savary. Le soir, il rêve sur une terrasse qui domine « la croix des rivières ». C’est là qu’il rencontra un ancien guide du Père Lacombe. Venu de Québec avec son père, cet homme s’était fait chasseur, au service de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Ces migrations des nôtres qui jaillissent de partout, comme des sources ! Le vieux trappeur se rappelait avoir vu des troupeaux de buffles accourir vers la rivière et passer. M. Savary, devant ce paysage, songe à la province de Québec à laquelle tous les Canadiens français de ce coin de notre pays demeurent obstinément fidèles. Ce qui ne les empêche pas de se livrer à l’entreprise et de réussir : les fermes qu’ils exploitent prennent rapidement de la valeur et rapportent beaucoup. Si le blé brûle sous le souffle du Chi-