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SOUVENIRS

nook, ils passent la charrue, sèment des herbes, achètent des troupeaux qu’ils engraissent, ravivent la basse-cour, et refont leur revenu.

Devant les membres de la Société Saint-Jean-Baptiste qui nous entourent fraternellement, je tente de traduire le sens de notre voyage qui est pour eux tout d’amitié et de réconfort. Comment oublier le rôle des Canadiens français dans la découverte et la colonisation de ces terres, vaillamment poursuivies et, finalement, gardées. De grandes figures, de la Vérendrye au Père Lacombe, se détachent de cette fresque française. Ceux qui se sont engagés à leur suite ont fondé leur survivance, comme ailleurs, sur la famille et la paroisse et — nous en avions la preuve devant nous, — sur le lien puissant de l’association. Je ne puis pas réveiller le souvenir de ces heures trop brèves sans redire à ces âmes résolues l’impression de vie profonde et généreuse qu’elles m’ont laissée.

***

Nous sommes entrés de nuit dans la triple muraille que dressent les Rocheuses devant le flot attiédi de l’Océan Pacifique. Nous voici à Banff pour quelques heures.

J’éprouve d’abord un sentiment de repos. Fini l’épuisant cinéma où s’affolaient les pics et les vallées où se mêlaient rocs, forêts et lacs, où trépidaient les couleurs : ébouriffement d’or, de rose, de bleu, de violet, sur un ciel parfois implacablement pur.

Les monts qui nous dominent nous les possédons maintenant à loisir, comme ils sont, dans l’impressionnante et trompeuse fixité où une poussée suprême les abandonna. Car ils ne sont pas impassibles. Une force qui les possède peut-être