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Page:Montpetit - Souvenirs tome III, 1955.djvu/157

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VERS L’OUEST

loin des pics où comme des fumées volcaniques s’accrochent les nuages.

Les îles passées, c’est autour de nous une fête de lumière, une Méditerranée du nord, au ciel plus froid, mais riche de nuances. Plus heureux, des amis ont naguère évoqué, du point où nous sommes — devant le Mont Baker — le Fuji : mais il est entendu que je dois me contenter d’un soupçon d’Orient et m’en satisfaire dans l’éblouissement des taches dorées qui paillettent le large détroit de San Juan de Fuca. L’étendue est vide, sauf un vapeur qui traîne au pied des monts, — vide, n’étaient les mouettes.

Les mouettes nous encerclent. Elles battent de l’aile, d’un mouvement ouaté, puis elles planent, les yeux attentifs et inquiets. Elles ont vite repéré notre passage. Bavardes et querelleuses, elles se précipitent sur la pitance attendue avec un cri plaintif et soudain saccadé. Quel voyageur ne les connaît : nulle rentrée d’Europe ou d’Asie sans elles, sans leur vol inépuisable et goulu. Quand se reposent-elles de leur course infinie ? Sur une crête, un instant, puis sur le berceau de la vague ? Ou la nuit à l’abri d’un cordage ? Comme elles sont affairées, blanches sous le bleu fixe et profond du ciel. Les voilà tout à coup éparpillées. Leurs ailes diaphanes inclinent sous le vent, décrivent des courbes affolées, battent fiévreusement comme si elles calculaient leur appui, et se posent. L’œil aigu, le cou rentré, sur un signal connu d’elles seules, elles se cambrent avec ensemble et doublent de leurs replis les mouvements de la mer.

Vue de la mer, Victoria se révèle mal au premier abord : on aperçoit dans un ensemble déconcertant des collines jaunâtres, des clochers discrets et des toits éteints que dominent quelques