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SOUVENIRS

gratte-ciel. Il faut y pénétrer pour saisir, sous le souffle d’un climat merveilleux, le charme de cette ville à peine touchée par l’américanisme auquel une partie au moins de la population, éprise de passé et fidèle au long rêve impérial, est volontairement indifférente. On s’en plaint en certains quartiers. « On ne veut pas de fumée, bougonne un commerçant. Mais les taxes augmentent et nos enfants s’en vont. On vote British, nous votons Canadien. Il nous faudrait des industries et la réciprocité. On devrait laisser de côté le sentiment. Il n’y a pas de danger d’annexion. Il y a le Nord et le Sud. C’est tout. »

Ville plaisante et digne, d’une placidité inouïe, à l’extrémité de notre pays enfiévré : où l’on rencontre ces vieux retraités anglais que signalent tous les voyageurs. Cité des fleurs : il y en a partout, depuis les murs de l’hôtel jusqu’autour des boîtes à lettres. Les parterres rutilent ainsi d’ailleurs que tout le long de l’Océan aux courants chauds et fécondants.

On nous conduit aux Sunken gardens, disposés en amphithéâtre, qu’un certain M. Butchart — est-ce Bouchard à l’origine ? — riche en tout cas à millions qu’il a conquis dans le ciment, a installés dans un parc ouvert au public. On y contemple, parmi des marguerites mauves, des orchidées et des glycines blanches, et des tonnelles recouvertes de roses qui semblent une soierie jetée sur une cheminée, des arbres rares disposés le long d’allées cimentées : érables à trois troncs qui se rejoignent par les racines, pruniers japonais, plantations exotiques que peuplent des oiseaux, multicolores comme les fleurs. Des rochers percent, érodés. Des stalactites sont protégées par un toit de pierre en équerre. Vraiment, le donateur a