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Page:Montpetit - Souvenirs tome III, 1955.djvu/188

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SOUVENIRS

partir. J’allais volontiers vers la province, vers la France d’hier et d’aujourd’hui. Pourquoi donc revivre dans un adieu ce que je croyais n’avoir pas éprouvé ? J’analyse. Je cherche. Le regret me serre la gorge. Il m’étreint de toute ma dernière journée de Paris. Il faisait soleil. Je me mêlais à la foule. J’étais Français, dans les rues, dans les magasins, au café. Je reprenais une vie pleine dont j’avais été lent à m’apercevoir. Le décor retrouvait son âme. J’étais à Paris. Je le sais maintenant, parce que je l’ai quitté.

Le bateau, appuyé d’un remorqueur, a tourné sur lui-même, prudemment. Le lointain scintille encore. Puis, la nuit totale, à bâbord et à tribord : car je m’en suis assuré. Je suis seul. Je dis tout bas : c’est fini…

Des souvenirs remonteront des choses et des êtres vers le cœur : l’échange de la monnaie française. le goût d’une cigarette, un achat retrouvé, une figure évoquée, une heure revécue. Ainsi peu à peu se drape un voile sur la mort.

***

Le lendemain, le regard retrouve la mer toujours chargée d’inquiétude. De petites vagues se poursuivent joyeusement. Un soleil pâle inonde. L’ai-je jamais vu ainsi au sud de l’Angleterre ? Une brume rosée à l’horizon. Je m’affermis vers mon pays où je suis heureux de rentrer, vers mon destin et le milieu qui est le mien. Je distingue les choses qui m’attendent parmi des affections et la tâche quotidienne. Je m’appuie au bastingage comme lorsque j’arriverai à Québec et à Montréal. Mon pays est grand et vigoureux. Le peuple, que je comprends mieux que jamais, est intéressant qu’il agisse ou qu’il se défende. Je retourne vers