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PRÉSENCES

des limites de notre province où le Canadien français a colonisé : dans l’Ontario, au Manitoba, peut-être en Acadie, où des voyages trop rapides ne m’ont pas permis de m’enquérir sur place. Pour le savoir, il suffirait d’interroger. Si je te laissais cette curiosité ?

L’Anglais procède autrement. Il installe sa maison au milieu de sa terre, loin de la route, en particulariste qu’il est. Le chemin est libre d’attaches, isolé. Le village est réduit à une simple expression, où des services et des fonctions se réfugient : une église, la salle du Conseil municipal, quelques bureaux, des boutiques et des centres de distribution. Une partie d’âme dont le reste est dispersé. Tu te rendras compte de cet état de choses dès que tu quitteras ta province pour une autre. Le contraste te retiendra et tu y rattacheras des réflexions utiles. Point n’est besoin de quitter la province, si les Cantons de l’Est t’offrent le même spectacle. Seulement, il t’arrivera de rencontrer dans une ancienne et puissante ferme écossaise un Canadien français qui, dans la suite du temps, en est devenu propriétaire et, de surcroît, en a adopté les traditions d’initiative et d’énergie. Curieuse revanche.

Tu méditeras sur le rôle du village. Si tu n’as pas lu Explication de notre temps, de Romier, un livre essentiel à mon sens et qui eut un succès foudroyant. emprunte-le. Dans le chapitre consacré au village français, tu trouveras ces lignes où l’auteur, épris de nuances et volontiers flottant, met un accent inaccoutumé : « Pendant un siècle, il semble qu’on voulut tuer le village français. Aujourd’hui, c’est un signe de renaissance que les meilleurs esprits voient sa fonction nécessaire. Quand toute l’élite saura que là où il n’y a pas de