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Page:Montpetit - Souvenirs tome III, 1955.djvu/80

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SOUVENIRS

souvenirs puisés dans la paix. Vous aviez participé à sa vie intellectuelle et secondé son activité économique, vous aviez accueilli les siens, leur offrant le spectacle, dont ils vous savaient gré, d’une nation jalouse de son glorieux passé, éprise de travail et d’art, admirée pour la hardiesse de ses entreprises et la mesure de son esprit, où les idées qui divisent ordinairement les hommes se réduisent dans un effort commun vers le progrès. À tant de liens, vous en ajoutez aujourd’hui un autre : c’est parce qu’il n’était pas nécessaire que nous l’apprécions davantage.

Souffrez que je joigne à cette gratitude que je veux collective, un sentiment personnel. Je vous suis reconnaissant de m’avoir incité à écouter de plus près la langue que nous parlons et à reprendre un à un des mots que l’oreille, distraite par l’habitude adopte sans les juger. Ces mots, du moins beaucoup d’entre eux, vous aurez vite constaté que je ne viens pas les accuser. Je les défendrais d’instinct, car ils perpétuent la volonté qui nous garde, si je n’avais pas acquis la conviction, à les interroger, qu’ils sont de bonne lignée, s’ils ne m’avaient pas donné la joie de se révéler français.

Car le Canada est mieux qu’un coin du monde où l’on comprend le français : il est une terre où le français existe de naissance, au cœur d’une population qui n’a que lui pour traduire sa vie même et qui le conserve comme un titre de noblesse par quoi elle s’apparente.

L’observation en fournirait des preuves émouvantes. C’est le français que suivent les dix mille regards tournés vers la chaire de Notre-Dame de Montréal où une tradition, déjà longue, conduit chaque carême un prédicateur de France ; le français encore, que goûtent les auditoires groupés