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SOUVENIRS

phrygien. Cela fait, au premier abord, un mélange assez cocasse où l’on découvre des procédés de francisation qui expliquent, s’ils ne les justifient pas, des barbarismes qui ont le tort de n’avoir pas été fabriqués en France.

Et voilà la défense de chaque jour contre l’envahissement, le corps à corps qui provoque une francisation intéressante, dont on a dit du mal quoique des esprits d’élite en aient pensé quelque bien. Elle est assez simpliste comme tout ce qui vient du peuple : avec quelques suffixes que lui suggèrent l’analogie et la métaphore, des suppressions de consonnes et des raccourcis qui détruisent le caractère anglo-saxon, une seule conjugaison, qui est naturellement la première, des dérivations parfois inattendues, elle crée des êtres d’apparence hybride dont la formation retient le philologue.

Son grand mérite, c’est d’être une francisation par l’oreille et par une oreille qui est et qui veut demeurer française. Le Franco-Canadien entend le mot anglais et parle français. Le Français, le fait est connu, francise aujourd’hui par les yeux : il lit des mots qu’il s’évertue à prononcer suivant leur physionomie. Procédé légitime, mais qui n’aurait pas produit redingote ni bouledogue.

Nous craignons de recourir à ces nouveautés qui ne nous disent rien qui vaille à cause des nôtres, et l’on a fort justement remarqué que notre peur des anglicismes, naïve, je le veux bien, mais non sans mérite, s’étend jusqu’à ceux qui ont cours ailleurs. Une intelligence très avertie, M. Philippe Geoffrion, a suivi le conseil que donnait Francisque Sarcey à l’un de nos puristes, de négliger les cacophonies et les bourdes pour suivre plutôt les persistances du parler ancestral. Il a trouvé